Objets mentaux :

    Représentations (imagées visuellement [1], sonores, tactiles, olfactives…) dites « mentales », car conceptuellement projetées sur notre « univers intérieur » via notre « grand écran » mental (ou, plus exactement : conceptuel), celui qui s'ouvre à nous lorsque nous fermons nos paupières, via nos « oreilles intérieures », ou via quelque autre rappel d'odeurs, les objets conceptuels dits « mentaux » sont avant tout des productions de notre mémoire saisies telles qu'elles sont ou réassemblées jusqu'à générer parfois la création de nouveaux objets qui ne sont plus mnésiques mais idéiques, puisque résultant de réassemblages voire résultant de pures inventions partant d'un morceau d'objet d'une catégorie et l'assemblant à un autre morceau appartenant à un objet d'une autre catégorie, voire « fabriquant » un objet « imaginaire », inconnu, pouvant logiquement se construire à partir d'un vide laissé entre deux objets mnésiques pouvant être réunis via de nouveaux liens logiques.

    Citant David Hume [2], Jean-Pierre Changeux observe que « percept, image de mémoire et concept constituent des formes ou des états divers de représentation mentale que nous regrouperons sous le terme général d'« objets mentaux » [3] ».

    « Les objets mentaux n'existent pas « à l'état libre ». Ils apparaissent à la fois indépendants et dépendants, en ce sens que « nous ne pouvons nous représenter aucun objet en dehors de la possibilité de sa liaison avec d'autres [4]. » L'objet possède une forme qui limite ses possibilités et impossibilités combinatoires relativement aux autres objets [5]. Les objets « s'imbriquent les uns dans les autres comme les éléments d'une chaîne [6] » et le déroulement « irréversible » dans le temps de cette chaîne constitue, en définitive, la pensée [7]. »

    « L'objet mental est identifié à l'état physique créé par l'entrée en activité (électrique et chimique), corrélée et transitoire, d'une large population ou « assemblée » [8] de neurones distribués au sein de plusieurs aires corticales définies. Cette assemblée qui se décrit mathématiquement par un graphie, est « discrète », close et autonome, mais n'est pas homogène. Elle se compose de neurones possédant des singularités différentes (les unes des autres) qui ont été mises en place au cours du développement embryonnaire et post-natal. La carte d'identité de la représentation y est initialement déterminée par la « mosaïque » (graphe) des singularités et par l'état d'activité (nombre, fréquence des impulsions qui y circulent) [9]. »

    « Le mécanisme le plus anciennement mentionné [10] est celui des « circuits réverbérants » Supposons que le neurone A envoie son axone vers B et que B lui rende la pareille. Le circuit A à B se ferme et un potentiel d'action peut, une fois lancé, se propager le long de ce circuit qui devient, de ce fait, oscillant. On sait que de telles boucles fermées existent entre le thalamus et le cortex et qu'elles interviennent dans la genèse des ondes rythmiques a. Il est plausible qu'elles participent à la formation des objets mentaux (…) [11].

    Parmi les objets conceptuels ou « mentaux » accessibles à l'être humain, dans l'état actuel d ‘évolution de notre espèce (Homo sapiens), existent au moins six représentations conceptuelles ou « mentales » courantes : les représentations conceptuelles ou « mentales » imagées (ou  « images mentales »), les représentations conceptuelles ou « mentales » sonorisées, tactilisées, kinesthésisées, gustativisées et olfactivisées.

    Certains individus parviennent accidentellement à disposer d'une représentation mentale de leur positionnement spatial, voire d'équilibre gravitationnel (vertiges) sollicitant une activation accidentelle des neurones du système vestibulaire.

    D'autres individus parviennent au même résultat et à d'autres plus surprenant encore par l'apprentissage neuroconnectique qui, pour reprendre l'exemple évoqué à l'instant relatif au positionnement et à l'équilibre, sollicite une activation volontaire (schéma électrique) puis délibérément intentionnelle (schéma chimique) des neurones du système vestibulaire.

© Daniel-Philippe de Sudres, 2006.



[1] « (…) les régions qui prennent en charge l'aspect spatial des stimulations appartenant à la sphère visuelle - stimulus vus ou imaginés sous la forme d'une image mentale visuelle - sont situées sur la partie dorsale des aires postérieures : la partie supérieure des lobes occipitaux à la face externe, le cunéus à la face interne, ainsi que les régions pariétales supérieures », Nathalie Tzourio-Mazoyer, « L'anatomie corticale du lobe occipital », Cerveau et psychologie, consulter notre bibliographie.

[2] « Toutes les perceptions de l'esprit humain se résolvent en deux catégories distinctes que j'appellerai impressions et idées. La différence essentielle entre elles consiste dans les degrés de force et de vivacité avec lesquelles elles frappent l'esprit (…) Ces perceptions qui entrent avec le plus de force et de violence, je les appelle impressions (…) Par idées, je veux dire les images affaiblies », David Hume, Treatise of human nature, John Noon & Thomas Longman publishers, London, 1739/40.

[3] Jean-Pierre Changeux, L'homme neuronal, consulter notre bibliographie.

[4] Ludwig Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, Gallimard, Paris, 1921.

[5] Jacques Bouveresse, « Le tableau me dit soi-même », Wittgenstein : la rime et la raison, Paris, Minuit, 1973, repris et développé dans La force de la règle, Paris, Minuit, 1987.

[6] Ludwig Wittgenstein, Tractatus.

[7] Jean-Pierre Changeux, L'homme neuronal, consulter notre bibliographie.

[8] Donald Hebb, The Organization of Behavior, consulter notre bibliographie.

[9] Jean-Pierre Changeux, L'homme neuronal, consulter notre bibliographie.

[10] R. Lorente de No, « Analysis of the activity of the chains of the internuncial neurons », Journal of Neurophysiology, 1938, et E. Hilgard et D. Marquis cités par Jean-Pierre Changeux, L'homme neuronal, consulter notre bibliographie.

[11] Jean-Pierre Changeux, L'homme neuronal, consulter notre bibliographie.

 

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